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Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/100

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                        IX

Sachez-le, puisqu’il faut, Teutons, qu’on vous l’apprenne,
Non, vous ne prendrez pas l’Alsace et la Lorraine,
Et c’est nous qui prendrons l’Allemagne. Ecoutez :
Franchir notre frontière, entrer dans nos cités,
Voir chez nous les esprits marcher, lire nos livres,
Respirer l’air profond dont nos penseurs sont ivres,
C’est rendre à son insu son épée au progrès ;
C’est boire à notre coupe, accepter nos regrets,
Nos deuils, nos maux féconds, nos voeux, nos espérances ;
C’est pleurer nos pleurs ; c’est envier nos souffrances ;
C’est vouloir ce grand vent, la révolution ;
C’est comprendre, ô Germains ! ce que sait l’alcyon,
Que l’orage farouche est pour l’onde une fête,
Et que nous allons droit au but dans la tempête,
En lui laissant briser nos mâts et nos agrès.

Les rois donnent aux champs les peuples pour engrais,
Et ce meurtre s’appelle ensuite la victoire ;
Ils jettent Austerlitz ou Rosbach à l’histoire,
Et disent : c’est fini. — Laissons le temps passer.