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Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/101

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Ce qui vient de finir, ô rois, va commencer.
Oui, les peuples sont morts, mais le peuple va naître,
A travers les rois l’aube invincible pénètre ;
L’aube c’est la Justice et c’est la Liberté.
Le conquérant se sent conquis. Dompteur dompté,
Il s’étonne ; en son cœur plein d’une vague honte
Une construction mystérieuse monte ;
Belluaire imbécile entré chez un esprit,
Il est la bête. Il voit l’idéal qui sourit,
Il tremble, et n’ayant pu le tuer, il l’adore.
Le glacier fond devant le rayon qui le dore.
Un jour, comme en chantant Linus lui remuait
Sa montagne, Titan, roi du granit muet,
Cria : ne bouge pas, roche glacée et lourde !
La roche répondit : crois-tu que je sois sourde ?
Ainsi la masse écoute et songe ; ainsi s’émeut,
Quand mai des rameaux noirs vient desserrer le noeud,
Quand la sève entre et court dans les branches nouvelles,
L’arbre qu’emplissait l’ombre et qu’empliront les ailes.
L’homme a d’informes blocs dans l’esprit, préjugés,
Vice, erreur, dogmes faux d’égoïsme rongés ;
Mais que devant lui passe une voix, un exemple,
Toutes ces pierres vont faire en son âme un temple.
Homme ! Thèbe éternelle en proie aux Amphions !

Ah ! délivrez-vous donc, nous vous en défions,
Allemands, de Pascal, de Danton, de Voltaire !
Teutons, délivrez-vous de l’effrayant mystère