Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/162

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le dégât d’une pichenette ! accomplir une besogne de Sisyphe pour un résultat de fourmi ! suer toute la haine pour à peu près rien ! Est-ce assez humiliant quand on est un mécanisme d’hostilité à broyer le monde ! Mettre en mouvement tous ses engrenages, faire dans l’ombre un fracas de machine de Marly, pour réussir peut-être à pincer le bout d’un petit doigt rose ! Il allait tourner et retourner des blocs pour arriver, qui sait ? à rider un peu la surface plate de la cour ! Dieu a cette manie de dépenser grandement les forces. Un remuement de montagne aboutit au déplacement d’une taupinière.

En outre, la cour étant donnée, terrain bizarre, rien n’est plus dangereux que de viser son ennemi, et de le manquer. D’abord cela vous démasque à votre ennemi, et cela l’irrite ; ensuite, et surtout, cela déplaît au maître. Les rois goûtent peu les maladroits. Pas de contusions ; pas de gourmades laides. Égorgez, tout le monde, ne faites saigner du nez à personne. Qui tue est habile, qui blesse est inepte. Les rois n’aiment pas qu’on éclope leurs domestiques. Ils vous en veulent si vous fêlez une porcelaine sur leur che-