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Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/202

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L’art antique appliquait jadis au fronton des théâtres de la Grèce une face d’airain joyeuse. Cette face s’appelait la Comédie. Ce bronze semblait rire et faisait rire, et était pensif. Toute la parodie, qui aboutit à la démence, toute l’ironie, qui aboutit à la sagesse, se condensaient et s’amalgamaient sur cette figure ; la somme des soucis, des désillusions, des dégoûts et des chagrins se faisait sur ce front impassible, et donnait ce total lugubre, la gaieté ; un coin de la bouche était relevé, du côté du genre humain, par la moquerie, et l’autre coin, du côté des dieux, par le blasphème ; les hommes venaient confronter à ce modèle du sarcasme idéal l’exemplaire d’ironie que chacun a en soi ; et la foule, sans cesse renouvelée autour de ce rire fixe, se pâmait d’aise devant l’immobilité sépulcrale du ricanement. Ce sombre masque mort de la comédie antique ajusté à un homme vivant, on pourrait presque dire que c’était là Gwynplaine. Cette tête infernale de l’hilarité implacable, il l’avait sur le cou. Quel fardeau pour les épaules d’un homme, le rire éternel !

Rire éternel. Entendons-nous, et expliquons-