Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des loups n’est pas fixé comme l’âge des chiens. Selon Molin, il y a des loups qui vivent quatre-vingts ans, entre autres le petit koupara, caviæ vorus, et le loup odorant, canis nubilus de Say.

La petite fille trouvée sur la femme morte était maintenant une grande créature de seize ans, pâle avec des cheveux bruns, mince, frêle, presque tremblante à force de délicatesse et donnant la peur de la briser, admirablement belle, les yeux pleins de lumière, aveugle.

La fatale nuit d’hiver qui avait renversé la mendiante et son enfant dans la neige, avait fait coup double. Elle avait tué la mère et aveuglé la fille.

La goutte sereine avait à jamais paralysé les prunelles de cette fille, devenue femme à son tour. Sur son visage, à travers lequel le jour ne passait point, les coins des lèvres tristement abaissés exprimaient ce désappointement amer. Ses yeux, grands et clairs, avaient cela d’étrange qu’éteints pour elle, pour les autres ils brillaient. Mystérieux flambeaux allumés n’éclairant que le dehors. Elle donnait de la lumière, elle qui n’en avait pas. Ces yeux disparus resplendissaient.