Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/209

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Cette captive des ténèbres blanchissait le milieu sombre où elle était. Du fond de son obscurité incurable, de derrière ce mur noir qu’on nomme la cécité, elle jetait un rayonnement. Elle ne voyait pas hors d’elle le soleil et l’on voyait en elle son âme.

Son regard mort avait on ne sait quelle fixité céleste.

Elle était la nuit, et de cette ombre irrémédiable amalgamée elle-même, elle sortait astre.

Ursus, maniaque de noms latins, l’avait baptisée Dea. Il avait un peu consulté son loup ; il lui avait dit : Tu représentes l’homme, je représente la bête ; nous sommes le monde d’en bas ; cette petite représentera le monde d’en haut. Tant de faiblesse, c’est la toute-puissance. De cette façon l’univers complet, humanité, bestialité, divinité, sera dans notre cahute. — Le loup n’avait pas fait d’objection.

Et c’est ainsi que l’enfant trouvé s’appelait Dea.

Quant à Gwynplaine, Ursus n’avait pas eu la peine de lui inventer un nom. Le matin même du