Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/239

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tiré l’horoscope de sa difformité. — On a fait ta fortune, lui avait-il dit.

Cette famille d’un vieillard, de deux enfants et d’un loup, avait formé, tout en rôdant, un groupe de plus en plus étroit.

La vie errante n’avait pas empêché l’éducation. Errer, c’est croître, disait Ursus. Gwynplaine étant évidemment fait pour être « montré dans les foires », Ursus avait cultivé en lui le saltimbanque, et dans ce saltimbanque il avait incrusté de son mieux la science et la sagesse. Ursus, en arrêt devant le masque ahurissant de Gwynplaine, grommelait : « Il a été bien commencé. » C’est pourquoi il l’avait complété par tous les ornements de la philosophie et du savoir.

Il répétait souvent à Gwynplaine : — Sois un philosophe. Être sage, c’est être invulnérable. Tel que tu me vois, je n’ai jamais pleuré. Force de ma sagesse. Crois-tu que, si j’avais voulu pleurer, j’aurais manqué d’occasion ?

Ursus, dans ses monologues écoutés par le loup, disait : — J’ai enseigné à Gwynplaine Tout, y compris le latin, et à Dea Rien, y compris la musique. Il leur avait appris à tous deux à chanter.