Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/31

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favorablement. Mais, en présence de son étrange persistance républicaine, il avait bien fallu renoncer à cette bonne opinion. Évidemment lord Clancharlie était convaincu, c’est-à-dire idiot.

L’explication des indulgents flottait entre obstination puérile et opiniâtreté sénile.

Les sévères, les justes, allaient plus loin. Ils flétrissaient ce relaps. L’imbécillité a des droits, mais elle a des limites. On peut être une brute, on ne doit pas être un rebelle. Et puis, qu’était-ce après tout que lord Clancharlie ? un transfuge. Il avait quitté son camp, l’aristocratie, pour aller au camp opposé, le peuple. Ce fidèle était un traître. Il est vrai qu’il était « traître » au plus fort et fidèle au plus faible ; il est vrai que le camp répudié par lui était le camp vainqueur, et que le camp adopté par lui était le camp vaincu ; il est vrai qu’à cette « trahison » il perdait tout, son privilège politique et son foyer domestique, sa pairie et sa patrie ; il ne gagnait que le ridicule ; il n’avait de bénéfice que l’exil. Mais qu’est-ce que cela prouve ? qu’il était un niais. Accordé.

Traître et dupe en même temps, cela se voit.