Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/275

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Fils, le damné renaît au fond du froid caveau, Pour être par les vers dévoré de nouveau ; Toujours sa chair revit, jusqu’à ce que la peine, Finie, ouvre à son vol l’immensité sereine. Fils, je suis le champ vil des sublimes combats, Tantôt l’homme d’en haut, tantôt l’homme d’en bas, Et le mal dans ma bouche avec le bien alterne Comme dans le désert le sable et la citerne ; Ce qui n’empêche pas que je n’aie, ô croyants ! Tenu tête dans l’ombre aux anges effrayants Qui voudraient replonger l’homme dans les ténèbres ; J’ai parfois dans mes poings tordu leurs bras funèbres ; Souvent, comme Jacob, j’ai la nuit, pas à pas, Lutté contre quelqu’un que je ne voyais pas ; Mais les hommes surtout ont fait saigner ma vie ; Ils ont jeté sur moi leur haine et leur envie, Et, comme je sentais en moi la vérité, Je les ai combattus, mais sans être irrité ; Et, pendant le combat, je criais : « Laissez faire ! » Je suis seul, nu, sanglant, blessé ; je le préfère. » Qu’ils frappent sur moi tous ! que tout leur soit permis ! » Quand même, se ruant sur moi, mes ennemis » Auraient, pour m’attaquer dans cette voie étroite, » Le soleil à leur gauche et la lune à leur droite,