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Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 1.djvu/147

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LE JOUR DES ROIS.

Toute chose est à l’homme armé ; les cimeterres
Font les meilleurs contrats et sont les bons notaires ;
Qui peut prendre doit prendre ; et le tabellion
Qui sait le mieux signer un bail, c’est le lion.

Cela posé, qu’ont fait ces peuples ? Leur délire
Fut triste. L’autre mois, les rois leur ont fait dire
D’alimenter les monts d’où l’eau vers eux descend,
Et d’y mener vingt bœufs et vingt moutons sur cent,
Plus, une fanéga d’orge et de blé par homme.
La plaine est ouvrière et partant économe ;
Les pays plats se sont humblement excusés,
Criant grâce, alléguant qu’ils n’ont de rien assez,
Que maigre est l’Aragon et pauvre la Navarre.
Peuple pauvre, les rois prononcent peuple avare ;
De là, frémissement et colère là-haut.
Ordre aux arrière-bans d’accourir au plus tôt ;
Et Gesufal, celui d’où tombent les sentences,
A fait venir devant un monceau de potences
Les alcades des champs et les anciens des bourgs,
Affirmant qu’il irait, au son de ses tambours,
Pardieu ! chercher leurs bœufs chez eux sous des arcades
Faites de pieds d’anciens et de jambes d’alcades.
Le refus persistant, les rois sont descendus.