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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Et là, fier, la jeta dans les étangs profonds ;
On vante Éviradnus d’Altorf à Chaux-de-Fonds ;
Quand il songe et s’accoude, on dirait Charlemagne ;
Rôdant, tout hérissé, du bois à la montagne,
Velu, fauve, il a l’air d’un loup qui serait bon ;
Il a sept pieds de haut comme Jean de Bourbon ;
Tout entier au devoir qu’en sa pensée il couve,
Il ne se plaint de rien, mais seulement il trouve
Que les hommes sont bas et que les lits sont courts ;
Il écoute partout si l’on crie au secours ;
Quand les rois courbent trop le peuple, il le redresse
Avec une intrépide et superbe tendresse ;
Il défendit Alix comme Diègue Urraca ;
Il est le fort ami du faible ; il attaqua
Dans leurs antres les rois du Rhin, et dans leurs bauges
Les barons effrayants et difformes des Vosges ;
De tout peuple orphelin il se faisait l’aïeul ;
Il mit en liberté les villes ; il vint seul
De Hugo Tête-d’Aigle affronter la caverne ;
Bon, terrible, il brisa le carcan de Saverne,
La ceinture de fer de Schelestadt, l’anneau
De Colmar, et la chaîne au pied de Haguenau.
Tel fut Éviradnus. Dans l’horrible balance
Où les princes jetaient le dol, la violence,
L’iniquité, l’horreur, le mal, le sang, le feu,
Sa grande épée était le contre-poids de Dieu.