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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Prend l’ambassade turque et la fait périr toute
Sur trente pals, plantés aux deux bords d’une route ;
Mourad accourt, brûlant moissons, granges, greniers ;
Bat le boyard, lui fait vingt mille prisonniers,
Puis, autour de l’immense et noir champ de bataille,
Bâtit un large mur tout en pierre de taille,
Et fait dans les créneaux, pleins d’affreux cris plaintifs,
Maçonner et murer les vingt mille captifs,
Laissant des trous par où l’on voit leurs yeux dans l’ombre ;
Et part, après avoir écrit sur le mur sombre :
« Mourad, tailleur de pierre, à Vlad, planteur de pieux. »
Mourad était croyant, Mourad était pieux ;
Il brûla cent couvents de chrétiens en Eubée,
Où par hasard sa foudre était un jour tombée ;
Mourad fut quarante ans l’éclatant meurtrier
Sabrant le monde, ayant Dieu sous son étrier ;
Il eut le Rhamseïon et le Généralife ;
Il fut le padischah, l’empereur, le calife,
Et les prêtres disaient : « Allah ! Mourad est grand. »

II



Législateur horrible et pire conquérant,
N’ayant autour de lui que des troupeaux infâmes,
De la foule, de l’homme en poussière, des âmes