Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/156

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La faux de Morgarten, la fourche de Granson ;
La rudesse du roc, la fierté du buisson ;
Ces cris, ces feux de paille allumés sur les faîtes ;
Quoi ! sur l’affreux faisceau des lances stupéfaites
L’immense éventrement de Winkelried joyeux ;
Quoi ! les filles d’Albis, anges aux chastes yeux,
Les grandes mers de glace et leurs ondes muettes,
Les porches d’ombre où fuit le vol des gypaëtes,
Quoi ! l’homme affranchi, quoi ! ces serments, cette foi,
Le bâton paysan brisant le glaive roi,
Quoi ! dans l’altier sursaut de la vengeance austère,
Comme la vieille France a chassé l’Angleterre,
L’Helvétie en fureur chassant l’Autrichien,
Et l’empereur, cet ours, et l’archiduc, ce chien,
T’ayant pour Jeanne d’Arc, ô Jungfrau formidable ;
Quoi ! toute cette histoire auguste, inabordable,
Escarpée, au front haut, au chant libre, à l’œil clair,
Blanche comme la neige, âpre comme l’hiver,
Et du farouche vent des cimes enivrée,
Terre et cieux ! Aboutit à la Suisse en livrée !

Est-ce que le Mont-Blanc ne va pas se lever ?
Ah ! ceci va plus loin qu’on ne pourrait rêver !
Plus loin qu’on ne pourrait calomnier ! Oui, certes,
L’indépendance, errant dans nos gorges désertes,