Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/24

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Assez de vieux engins au fond de nos greniers,
Sire, pour ne pas être à ce point aumôniers,
Et pour ne faire point, comme dans ton Autriche,
Avec l’argent du pauvre une largesse au riche.
Nous pouvons, en creusant, retrouver aujourd’hui
Nos estocs sous la rouille et nos cœurs sous l’ennui ;
Nous pouvons décrocher, de nos mains indignées,
Nos bannières parmi les toiles d’araignées,
Et les faire flotter au vent, si nous voulons.

Sire, en outre, tu mets l’opprobre à nos talons.
Nous savons bien pourquoi tu combles de richesses
Nos filles et nos sœurs dont tu fais des duchesses,
Étoiles d’infamie au front de nos maisons.
Roi, nous n’acceptons pas sur nos durs écussons
Des constellations faites avec des taches ;
La honte est mal mêlée à l’ombre des panaches ;
Le soldat a le pied si maladroit, seigneur,
Qu’il ne peut sans boiter traîner le déshonneur.
Nos filles sont nous-même ; au fond de nos tours noires,
Leur beauté chaste est sœur de nos anciennes gloires ;
C’est pourquoi nous trouvons qu’on fait mal à propos
Les rideaux de ton lit avec nos vieux drapeaux.