Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/82

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Grands asiles ! le gave erre à plis écumants ;
La sapinière pend dans les escarpements ;
Les églises n'ont pas d'obscurité qui vaille
Ce mystère où le temps, dur bûcheron, travaille ;
Le pied humain n'entrant point là, ce charpentier
Est à l'aise, et choisit dans le taillis entier ;
On entend l'eau qui roule, et la chute éloignée
Des mélèzes qu'abat l'invisible cognée.
L'homme est de trop ; souillé, triste, il est importun
À la fleur, à l'azur, au rayon, au parfum ;
C'est dans les monts, ceux-ci glaciers, ceux-là fournaises,
Qu'est le grand sanctuaire effrayant des genèses ;
On sent que nul vivant ne doit voir à l'œil nu,
Et de près, la façon dont s'y prend l'Inconnu,
Et comment l'être fait de l'atome la chose ;
La nuée entre l'ombre et l'homme s'interpose ;
Si l'on prête l'oreille on entend le tourment
Des tempêtes, des rocs, des feux, de l'élément,
La clameur du prodige en gésine, derrière
Le brouillard, redoutable et tremblante barrière ;
L'éclair à chaque instant déchire ce rideau.
L'air gronde. Et l'on ne voit pas une goutte d'eau
Qui dans ces lieux profonds et rudes s'assoupisse,
Ayant, après l'orage, affaire au précipice ;
Selon le plus ou moins de paresse du vent,
Les nuages tardifs s'en vont comme en rêvant,
Ou prennent le galop ainsi que des cavales ;
Tout bourdonne, frémit, rugit ; par intervalles