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NUIT ET LUNE

nément, mademoiselle. La sainte innocence, c’est vous. Je sais que c’est l’heure où l’on est couché, mais je n’avais pas le choix d’un autre moment. Vous rappelez-vous ce passage de la bible qu’on nous a lu ? Genèse, chapitre vingt-cinq. J’y ai toujours songé depuis. Je l’ai relu souvent. Le révérend Hérode me disait : Il vous faut une femme riche. Je lui ai répondu : Non, il me faut une femme pauvre. Mademoiselle, je vous parle sans approcher, je me reculerai même si vous ne voulez pas que mon ombre touche vos pieds. C’est vous qui êtes la souveraine ; vous viendrez à moi si vous voulez. J’aime et j’attends. Vous êtes la forme vivante de la bénédiction.

— Monsieur, balbutia Déruchette, je ne savais pas qu’on me remarquait le dimanche et le jeudi.

La voix continua :

— On ne peut rien contre les choses angéliques. Toute la loi est amour. Le mariage, c’est Chanaan. Vous êtes la beauté promise. Ô pleine de grâce, je vous salue.

Déruchette répondit :

— Je ne croyais pas faire plus de mal que les autres personnes qui étaient exactes.

La voix poursuivit :

— Dieu a mis ses intentions dans les fleurs, dans l’aurore, dans le printemps, et il veut qu’on aime. Vous êtes belle dans cette obscurité sacrée de la nuit. Ce jardin a été cultivé par vous et dans ses parfums il y a quelque chose de votre haleine. Mademoiselle, les rencontres des âmes ne dépendent pas d’elles. Ce n’est pas de notre faute. Vous assistiez, rien de plus ; j’étais là, rien de plus. Je n’ai rien