Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/148

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Qu’est le vôtre à côté ? Je veux bien tout vous dire,
Mais ayez le bon sens de comprendre aussi, vous.
Soyez de votre état. Je suis très-bon, très-doux,
Mais, que diable ! un laquais, d’argile humble ou choisie,
N’est qu’un vase où je veux verser ma fantaisie.
De vous autres, mon cher, on fait tout ce qu’on veut.
Votre maître, selon le dessein qui l’émeut,
À son gré vous déguise, à son gré vous démasque.
Je vous ai fait seigneur. C’est un rôle fantasque,
— Pour l’instant. — Vous avez l’habillement complet.
Mais, ne l’oubliez pas, vous êtes mon valet.
Vous courtisez la reine ici par aventure,
Comme vous monteriez derrière ma voiture.
Soyez donc raisonnable.

Ruy Blas, qui l’a écouté avec égarement et comme ne pouvant en croire ses oreilles.

Soyez donc raisonnable.Ô mon Dieu ! — Dieu clément !
Dieu juste ! de quel crime est-ce le châtiment ?
Qu’est-ce donc que j’ai fait ? Vous êtes notre père,
Et vous ne voulez pas qu’un homme désespère !
Voilà donc où j’en suis ! — Et, volontairement,
Et sans tort de ma part, — pour voir, — uniquement
Pour voir agoniser une pauvre victime,
Monseigneur, vous m’avez plongé dans cet abîme.
Tordre un malheureux cœur plein d’amour et de foi,
Afin d’en exprimer la vengeance pour soi !

Se parlant à lui-même.

Car c’est une vengeance ! oui, la chose est certaine