Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/125

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vitae, y ébauche au quatorzième siècle la fraternité. Quel qu’ait été son engouement pour l’indifférence de Goethe, ne la croyez pas impersonnelle, cette Allemagne ; elle est nation et l’une des plus magnanimes, car c’est pour elle que Ruckert, le poëte militaire, forge les Sonnets Cuirassés, et elle frémit quand Kœrner lui jette le Cri de l’Épée. Elle est la Patrie allemande, la grande terre aimée, Teutonia mater. Galgacus a été pour les Germains ce que Caractacus a été pour les Bretons.

L’Allemagne a tout en elle et tout chez elle. Elle partage Charlemagne avec la France et Shakespeare avec l’Angleterre. Car l’élément saxon est mêlé à l’élément britannique. Elle a un Olympe, le Walhalla. Il lui faut une écriture à elle ; Ulfilas, évêque de Mésie, la lui fabrique ; et la calligraphie gothique fera désormais pendant à la calligraphie arabe. La majuscule d’un missel lutte de fantaisie avec une signature de calife. Comme la Chine, l’Allemagne a inventé l’imprimerie. Ses Burgraves, la remarque a déjà été faite [1], sont pour nous ce que les Titans sont pour Eschyle. Au temple de Tanfana, détruit par Germanicus, elle fait succéder la cathédrale de Cologne. Elle est l’aïeule de notre histoire et la grand’mère de nos légendes. De toutes parts,

  1. Préface des Burgraves, 1843.