Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/23

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l’autre est à peu près la même ; mais le sarcopte du dromadaire est un peu plus allongé que le sarcopte humain ; la paire intermédiaire des poils postérieurs, au lieu d’être la plus petite, est la plus grande. La face ventrale a aussi ses particularités. Le collier est plus nettement séparé dans le sarcoptes hominis, et il envoie inférieurement une pointe aciculiforme qui n’existe pas dans le sarcoptes dromadarii Ce dernier est plus gros que l’autre. Il y a aussi une différence énorme aux épines de la base des pattes postérieures ; elles sont simples dans la première espèce, et inégalement bifides dans la seconde…—

Ici, las d’écrire toutes ces choses ténébreuses et imposantes, je ne pus m’empêcher de pousser le coude de G― et de lui demander tout bas : — Mais de quoi diable parle cet homme ?

G― se tourna à demi vers moi et me dit avec gravité : — De la gale.

Je partis d’un éclat de rire si violent que le livre de notes me tomba des mains. G― le ramassa, m’arracha le crayon, et sans daigner répliquer à ma gaieté même par un geste de mépris, plus que jamais attentif aux paroles du charlatan, il continua d’écrire à ma place, dans l’attitude recueillie et raphaélesque d’un disciple de l’école d’Athènes.

Je dois dire que les paysans, de plus en plus éblouis, partageaient, au suprême degré, l’admiration et la béatitude de G-. L’extrême science et l’extrême ignorance se touchent par l’extrême naïveté. Le dialogue obscur et formidable du charlatan avait parfaitement réussi près des villageois de l’honnête pays de Petit-Sou. Le peuple est comme l’enfant ; il s’émerveille de ce qu’il ne comprend pas. Il aime l’inintelligible, le hérissé, l’amphigouri déclamatoire et merveilleux. Plus l’homme est ignorant, plus l’obscur le charme ; plus l’homme est barbare, plus le compliqué lui plaît. Rien n’est moins simple qu’un sauvage. Les idiomes des hurons, des botocudos et des chesapeaks sont des forêts de consonnes à travers lesquelles, à demi engloutis dans la vase des idées mal rendues, se traînent des mots immenses et hideux, comme rampaient les monstres antédiluviens sous les inextricables végétations