leur serait interdite ou impossible, la nation et le malade mourraient. En attendant, ils vivent, jusqu’au jour où viendra la pleine santé, c’est-à-dire la pleine liberté. Quelquefois la liberté est dans le climat ; c’est la nature qui la fait et qui la donne. Aller demi-nu, le bonnet rouge sur la tête, avec un haillon de toile pour caleçon et un haillon de laine pour manteau ; se laisser caresser par l’air chaud, par le soleil rayonnant, par le ciel bleu, par la mer bleue ; se coucher à la porte du palais à l’heure même où le roi s’y couche dans l’alcôve royale, et mieux dormir dehors que le roi dedans ; faire ce qu’on veut ; exister presque sans travail, travailler presque sans fatigue, chanter soir et matin, vivre comme l’oiseau ; c’est la liberté du peuple à Naples. Quelquefois la liberté est dans le caractère même de la nation ; c’est encore là un don du ciel. S’accouder tout le jour dans une taverne, aspirer le meilleur tabac, humer la meilleure bière, boire le meilleur vin, n’ôter sa pipe de sa bouche que pour y porter son verre, et cependant ouvrir toutes grandes les ailes de son âme, évoquer dans son cerveau les poètes et les philosophes, dégager de tout la vertu, construire des utopies, déranger le présent, arranger l’avenir, faire éveillé tous les beaux songes qui voilent la laideur des réalités, oublier et se souvenir à la fois, et vivre ainsi, noble, grave, sérieux, le corps dans la fumée, l’esprit dans les chimères ; c’est la liberté de l’allemand. Le napolitain a la liberté matérielle, l’allemand a la liberté morale ; la liberté du lazzarone a fait Rossini ; la liberté de l’allemand a fait Hoffmann. Nous, français, nous avons la liberté morale comme l’allemand et la liberté politique comme l’anglais ; mais nous n’avons pas la liberté matérielle. Nous sommes esclaves du climat ; nous sommes esclaves du travail. Ce mot doux et charmant, libre comme l’air, on peut le dire du lazzarone, on ne peut le dire de nous. Ne nous plaignons pas, car la liberté matérielle est la seule qui puisse se passer de dignité ; et en France, à ce point d’initiative civilisatrice où la nation est parvenue, il ne suffit pas que l’individu soit libre, il faut encore qu’il soit digne. Notre partage est beau. La France est aussi noble que la noble Allemagne ; et, de plus que l’Allemagne, elle a le droit d’appliquer directement la force fécondante
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