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Il y a un bon mille du cabaret à la maison de Robichoux, et ce qu’il fait froid en cette nuit du 22 décembre ! L’ivrogne titube, tombe et se ramasse pour rechuter… il va comme ça, plus longtemps étendu que debout.

Sa maison a donc reculé ?… n’y arrivera-t-il donc jamais ?… Il sent le froid l’envahir ; chaque minute le fige, et voilà déjà trois quarts d’heure qu’il cherche son équilibre et son logis…

Et toujours il titube, tombe, se relève pour tomber encore…

Il est une heure, aucun passant attardé ne survient pour aider le malheureux.

À chacune des chutes de l’ivrogne, ses mains nues font une plongée dans la neige étincelante ou se collent à la glace du chemin.

Maintenant ses jambes, engourdies par l’ivresse, ankylosées par le froid, ne le portent plus debout. Robichoux ne marche plus que sur ses mains et ses genoux.

Il se traîne ainsi dans la neige et sur le verglas… longtemps… un quart d’heure ? une demi-heure ?…

Enfin ! la voilà sa maison !… Ô joie d’y arriver ! va-t-il se chauffer, se dégeler !

Il se rue sur la porte, qu’on lui ouvre… et roule sur le plancher.

— Chauffez, chauffez le poële !…