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Le père était ivrogne



Au mois de janvier dernier, sur la demande qu’on m’en avait faite, j’allais, rue X… no. 178, visiter une jeune fille malade. Le no. 178 est une pauvre maison de faubourg, un de ces misérables taudis refoulés hors des villes, près des dépotoirs, avec les scories et les rebuts sans nom.

Par la cour infecte et l’escalier branlant, j’atteignis la porte qu’on m’ouvrit. J’entrai : des nuages de vapeur, s’échappant de plusieurs cuves, embuaient l’appartement surchauffé ; des cordes tendues fléchissaient sous le poids du linge humide ; deux femmes lavaient.

« Tiens ! c’est jour de lessive ? »

La mère me dit : « C’est tous les jours lessive pour nous. Il faut bien gagner sa vie. On lave pour les autres…

— Qui donc est malade ici ?…

— Moi, mon père. »

J’aperçois, à travers la vapeur épaisse et chargée de cette senteur chaude et lourde de linge bouilli, une forme humaine étendue sur un canapé et qui lentement se soulève.

« Ah ! c’est vous la malade ? »