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Je m’approche, et du premier coup d’œil je reconnais la maladie trop évidente : la pauvre est hydropique. Elle n’a que vingt ans et souffre de son infirmité depuis dix-huit mois. Des palpitations du cœur sont venues compliquer la situation, de sorte que par prudence il a fallu, il y a quelques jours, administrer la malade qui peut mourir subitement d’un moment à l’autre. Elle le sait, s’y attend, sourit à la mort qui sera pour elle une délivrance, et sourit au visiteur…

La mère et l’autre personne avaient interrompu leur travail. Les planches cannelées demeuraient en repos, les rouleaux du « tordeur » ne tournaient plus, et les deux laveuses, les manches retroussées et la figure baignée de buée chaude, tournées vers moi, m’écoutaient.

De mon mieux je donnai à l’affligée quelques paroles de consolation et d’encouragement ; en me retirant, l’air stupide de la jeune femme qui lavait avec la mère me frappa ; je lui adressai une question, par bonhomie : « Êtes-vous parente de la malade ? »

La mère me répondit pour elle : « C’est ma fille aînée. Depuis l’âge de deux ans elle est paralysée du cerveau. Elle a fait sa première communion, mais elle ne communiera plus désormais qu’à l’article de la mort ; elle n’est pas capable de distinguer le bien du mal. Elle ne sait pas se gouverner : ainsi, elle laverait jus-