qu’à se faire mourir ; elle ne saurait pas s’arrêter d’elle-même. »
Pauvre mère ! me dis-je. Deux grandes filles, dont l’une est folle, dont l’autre va mourir.
« Avez-vous d’autres enfants ?
— Non. J’en ai eu cinq autres, qui sont morts jeunes. Ah ! ils sont au ciel ceux-là !… Je n’ai que ces deux filles.
— Et le père ?… »
C’est avec une instinctive appréhension que je hasardai ce petit mot inquisiteur « Et le père ! »… Cette simple évocation jeta soudain la pauvre mère dans un monde intérieur, et voila son visage de tristesse grave. Devant sa pensée se dressait visiblement une longue suite de souvenirs cruels ; ils ne mirent cependant dans sa voix qu’une expression de lassitude douce et d’accoutumance sans amertume quand, levant la tête, elle me répondit : « Ah ! le père, il boit… »
Il boit ! Je compris tout. Le Père était ivrogne !… Il avait donné aux cinq petits enfants qui étaient morts tout jeunes, un sang vicié, des maladies qui les avaient tués presque en naissant. Aux deux survivantes il avait donné les germes de leurs infirmités : à l’une la folie, à l’autre l’hydropisie…
Le père était ivrogne ! Ah, je compris ce lavage quotidien, ces travaux merce-