naires de l’épouse, ce service à la journée. Il fallait bien nourrir la famille que le misérable sacrifiait à sa passion…
La mère me l’expliqua d’un air résigné plus poignant qu’une explosion de colère, et qui me révélait mieux que ces paroles tout ce qu’elle avait dû souffrir pour en arriver à son actuelle insouciance. Sans révolte, sans éclat de voix, sans indignation, du ton qu’elle eût parlé des malheurs d’une autre, devant l’idiote qui souriait béatement accoudée à sa cuve, devant la malade assise sur le canapé, elle me dépeignit les mœurs de son mari.
Éternelle histoire de tous les ivrognes ! Le sans-cœur laissait sa famille sans pain, sans feu. Au jour de l’an, sur les neuf piastres de son salaire il en avait sacrifié trois à sa femme, donnant les six autres à sa passion. Quand il est ivre, c’est un tyran capricieux et brutal. Ne s’avisa-t-il pas l’autre jour, par un froid très rigoureux, de vouloir exposer sa fille malade au grand air de la rue : « Ça te fera du bien, » lui dit-il avec un ricanement bestial. La mère s’y opposa. Cette folie eût tué la pauvre infirme.
La malheureuse mère n’a plus la force ni la santé d’autrefois. Elle lave, elle lave toujours, mais ne mange presque plus. Son estomac est ruiné…
Je sortis le cœur navré de ce que j’avais vu et entendu. Pauvre femme, pauvres