Page:Humboldt - Vues des Cordillères, 1816, tome 1.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
vues des cordillères,

racines de ces graminées gigantesques, avoient déchiré nos chaussures ; de sorte que nous étions forcés, comme tous les voyageurs qui ne veulent pas se laisser porter à dos d’homme, d’aller pieds nus. Cette circonstance, l’humidité continuelle, la longueur du chemin, la force musculaire qu’il faut employer pour marcher dans une argile épaisse et bourbeuse, la nécessité de passer à gué des torrens profonds et dont l’eau et très-froide, rendent sans doute ce voyage excessivement fatigant ; mais, quelque pénible qu’il soit, il ne présente aucun des dangers dont la crédulité du peuple alarme les voyageurs. Le sentier est étroit, mais les endroits où il borde des précipices sont très-rares. Comme les bœufs ont la coutume de mettre les pieds toujours sur la même trace, il en résulte qu’il se forme en travers, dans le chemin, une suite de petits fossés séparés les uns des autres par des proéminences de terre très-étroites. Dans le temps des fortes pluies, ces proéminences restent cachées sous l’eau, et la marche du voyageur est doublement incertaine, parce qu’il ignore s’il place le pied sur la digue ou dans le fossé.