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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

de cet avis. Je considère, historiquement, l’époque romane comme intéressante et féconde, mais vraiment les sources m’en sont fermées. Je n’en comprends pas le langage et je ne saisis pas l’utilité de l’apprendre. Moréas l’a fait, lui, et cela lui va bien ; les allures, le ton chevaleresques de la littérature romane, les formes travaillées, les arabesques, les festons ouvragés, cela sied à son esprit et à son tempérament ; j’admets même qu’il y en ait d’autres qui soient séduits par cette théorie ; mais sincèrement, j’y suis, pour ma part, tout à fait réfractaire.

— Moréas, dis-je, entend assumer, pour le progrès des Lettres françaises, une lutte analogue à celle soutenue en 1830 par Victor Hugo. Croyez-vous qu’il soit destiné à ce rôle ?

M. Henri de Régnier sourit et dit :

— Non, je ne le crois pas…

— Quels sont les poètes que vous considérez comme les précurseurs immédiats du mouvement actuel ?

— Je crois qu’on doit beaucoup à Verlaine ; mais, pour ma part, je m’en sens un peu loin ; c’est à Stéphane Mallarmé, à l’exemple de ses œuvres et à l’influence de ses splendides causeries, que je dois d’être ce que je suis, et je crois que la tradition qu’il représente avec Villiers de l’Isle-Adam est la plus conforme au génie classique.