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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

— Vous croyez donc que c’est malin un bonhomme qui met « coulomb » pour ne pas mettre « pigeon » !

Un gros angora gris-roux soudain fit irruption ; son maître plongea ses doigts amoureusement dans son épaisse fourrure. « Au moins, dit-il, voilà une bête intéressante ! C’est si vivant, et ça aime tant le silence ! Celui-là est castré ![1] ». Puis, reprenant :

— Non, voyez-vous, le symbolisme, ça n’est ni neuf, ni humain, ni intéressant. Oh ! je sais bien qu’il faut qu’il sorte quelque chose de tout ce chaos. À l’heure actuelle, Flaubert, Barbey d’Aurevilly, Villiers de l’Isle-Adam, étant morts sans postérité, il nous reste Goncourt, Zola, et, dans les vers, Verlaine, Mallarmé qui demeure isolé, avec une fausse école derrière lui, une queue lamentable qui n’a d’ailleurs aucun rapport avec lui. Et puis, des jeunes de beaucoup de talent, Descaves, Rosny, Margueritte, et votre collaborateur Jean Lorrain, tenez, qui fait admirablement grouiller la pourriture parisienne bien gratinée, bien faisandée… Il le ferait palpitant, s’il le faisait, son roman de la pourriture !…


Et, les traits comme allumés d’une concupiscence compliquée de dégoût, M. Huysmans articulait largement et appuyait, et répétait en traînant : « Cette bonne pourriture ! » pendant que sa main caressait

  1. Voir. Appendice.