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ENQUÊTE

plète de la vérité, qui était plus près de moi, — alors, — que Flaubert lui-même, et que je me représentais, du fond de ma province, avec son nom et son prénom aristocratiques, la crânerie aisée et un peu dédaigneuse de son style, la perspicacité de sa psychologie, sa rigueur d’exactitude, sa réputation d’élève chéri de Flaubert, comme un héros de Balzac, quelque chose comme une quintessence de Rastignac et de d’Arthez mêlés… Cette forte imagination de ma prime jeunesse n’avait pu être entamée par ces propos qu’on entend à chaque instant dans les milieux lettrés sur M. de Maupassant : « C’est un snob ; ce qu’il voit de plus pratiqué au monde pour un écrivain, c’est de prendre comme éditeurs les magasins du Louvre et du Bon-Marché ; lui aussi se fait habiller et blanchir à Londres ; tous les soirs, — dit-il, mon domestique passe mes bottines dans les embauchoirs et mes pantalons sur les tendeurs. »

Je voulais voir… Son avis dans cette enquête m’intéressait, d’ailleurs, particulièrement. Et, si fermé qu’il pût être, les noms illustres qui avaient consenti à me répondre le disposeraient à la conversation…

Je sonne. Un domestique, un larbin plutôt, vient ouvrir. Vous savez cet œil insolent qu’on voit à toutes les antichambres des bourgeois orgueilleux ?

— Monsieur n’est pas là.

J’écris quelques mots sur ma carte, et je suis tout de même introduit, je traverse une antichambre gar-