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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

de rien ajouter. Deux choses l’intéressent au monde, deux choses à l’exclusion de toutes autres : ses vers et lui, lui et ses vers. M. Maurice Barrès appelle cela plus finement : « cultiver son Moi avec ardeur ». Il semble, en effet, jouir de ce privilège — si rare dans nos latitudes — de trouver dans toute la littérature, non pas les éléments d’un doute affaiblissant, mais au contraire des raisons toujours nouvelles et toujours grandissantes d’admiration pour son œuvre. Ce n’est pas une pose, ce n’est pas une maladie, c’est un état naturel. Au demeurant, le meilleur compagnon du monde : quand il parle des autres avec éloge, sa condescendance est de la meilleure grâce et de la plus sincère, vous pouvez m’en croire.

Il prononce les e muets comme les é, ce qui lui fait dire : « jé m’en fiche » et « tu né comprends pas ! »

Sa glose du symbolisme était intéressante à recueillir, et comme c’est sur son nom que le plus de bruit a été fait, ces temps, je commence par lui la série de mes consultations près des jeunes représentants des nouvelles écoles poétiques.

— Oui, je sais, me dit-il d’abord, le bruit que le Pèlerin passionné fait depuis trois mois chagrine toutes sortes de gens. Il y a des poètes selon la vieille formule qui critiquent amèrement mes rythmes et mon style. Les romanciers naturalistes font aussi la moue ; il y a même quelques-uns de mes camarades qui ne sont pas contents : je comprends