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le quartier saint-séverin

dans les parties de graisse, noires dans les autres. On les épluche, on les sale, on les poivre, on les trempe dans le vinaigre, on les pend pendant quarante-huit heures dans un fond de cour, puis on les accommode et on les sert. C’est, pour les gens qui mangent de cette putréfaction mâtée, la dysenterie en quelques heures.

Dans la même rue, d’autres restaurants s’étalent, moins redoutables. Là, on ne prépare que des légumes, surtout des haricots que l’on cuit dans de la potasse. Quand ils sont simplement gonflés, l’on enfonce dans la bassine une cuillerée de saindoux et l’on débite.

La portion coûte deux sous ; joignez-y deux sous de pain et une canette de bière fabriquée avec Dieu sait quoi ! et qui vaut, elle aussi, dix centimes, et l’on peut pour six sols se procurer l’illusion d’être nourri.

Une fois par semaine, ces maisons apprêtent du moût de veau aux pommes. C’est le grand régal des purotins qui, s’ils ont quatre sous, bâfrent voracement cette viande creuse.

J’ajoute enfin, pour les gens à l’affût de bonnes et de sales affaires, que ce métier d’empoisonneur des pauvres hères est excellent, car ceux qui le pratiquent font fortune en cinq ans et se retirent.