Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/21

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je peux répéter à propos des fleurs ce que j’ai déjà raconté sur le compte des pierres.

À Rebours ne les considère qu’au point de vue des contours et des teintes, nullement au point de vue des significations qu’elles décèlent ; des Esseintes n’a choisi que des orchidées bizarres, mais taciturnes. Il sied d’ajouter qu’il eût été difficile de faire parler en ce livre une flore atteinte d’alabie, une flore muette, car l’idiome symbolique des plantes est mort avec le Moyen Âge ; et les créoles végétales choyées par des Esseintes étaient inconnues des allégoristes de ce temps.

La contre-partie de cette botanique, je l’ai écrite depuis, dans La Cathédrale, à propos de cette horticulture liturgique qui a suscité de si curieuses pages de sainte Hildegarde, de saint Méliton, de saint Eucher.

Autre est la question des odeurs dont j’ai dévoilé dans le même livre les emblèmes mystiques.

Des Esseintes ne s’est préoccupé que des parfums laïques, simples ou extraits, et des parfums profanes, composés ou bouquets.

Il eût pu expérimenter aussi les arômes de l’Église, l’encens, la myrrhe, et cet étrange Thymiama que cite la Bible et qui est encore marqué dans le rituel comme devant être brûlé, avec l’encens, sous le vase des cloches, lors de leur baptême, après que l’Évêque les a lavées avec de l’eau bénite et signées avec le Saint Chrême et l’huile des infirmes ; mais cette fragrance semble oubliée par l’Église même et je crois que l’on étonnerait beaucoup un curé en lui demandant du Thymiama.

La recette est pourtant consignée dans L’Exode. Le Thymiama se composait de styrax, de galbanum, d’encens et d’onycha, et cette dernière substance ne serait autre que l’opercule d’un certain coquillage du genre des « pourpres » qui se drague dans les marais des Indes.