Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/149

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carlate, d’un tablier de cuir, d’une robe verte, ramagée de pièces brunes et rousses, émaillées de reprises et de coutures, barbelée du bas comme une queue d’écrevisse, d’un grand manteau bleu sur lequel tombait à flots une longue barbe, si blanche, si blanche, qu’on eût dit de flocons de vapeur qui lui sortaient de la bouche et du nez et déroulaient leurs ondes jusques à terre : « Bonjour, maître, accordez-nous la satisfaction d’être un moment en votre compagnie. »

Et lui qui semblait si vieux et si fatigué leur répondait : « Messieurs, j’ai bien du malheur, jamais je ne m’arrête, je marche incessamment. »

Et ils reprenaient en chœur : « Entrez dans cette auberge, asseyez-vous, venez boire un pot de bière fraîche ; nous vous régalerons le mieux que nous pourrons. »

Et le vieillard leur répétait : « En vérité, messieurs, je suis confus de vos bontés, mais je ne puis m’asseoir, je dois rester debout. »

Alors les beaux messieurs s’étonnèrent fort, et le gros lui dit : « De savoir votre âge nous serions curieux ? » Et le maigre ajouta : « N’êtes-vous point ce vieillard de qui l’on parle tant, celui que l’on nomme le Juif-Errant. »

Et le vieillard dont la barbe était si blanche, si blanche, qu’on eût dit de flocons de vapeurs qui lui sortaient de la bouche et du nez, leur répondit : « Isaac