Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/296

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Champagne, qui était femme de sang froid, réfléchissait.

— Et il revient quand ? dit-elle à Sophie.

— Demain, avant midi.

Alors la papetière leva le doigt et, ainsi qu’un oracle, proféra cette sentence : — Nous n’avons pas de temps à perdre ; mais, c’est moi qui te le dis, tu n’as rien à craindre. Tu es enceinte, n’est-ce pas ? Eh bien alors la famille te doit une pension alimentaire ; je ne suis pas ferrée sur la justice, mais je sais tout cela ; le tout est de ne pas se laisser embobiner. Du reste, aussi vrai que je m’appelle Madame Champagne, je vas lui montrer, moi à ce vieux crocodile, de quel bois je me chauffe ! — Et elle se leva. — Mon chapeau, mon châle, dit-elle à Madame Dauriatte, figée d’admiration. — Elle les mit. — Je vous laisse la boutique en garde jusqu’à tout à l’heure, ma chère ; — quant à toi, ma fille, ne t’abîme pas les yeux à pleurer et suis-moi : nous allons à côté, chez mon homme d’affaires.

Devant l’assurance si virilement exprimée par Madame Champagne, Sophie renfonça ses larmes.

— C’est un homme très bien, vois-tu, que M. Ballot, disait la papetière, en route ; cet homme-là, il ferait suer de l’argent à un mur, puis rien ne l’embarrasse, il sait tout, tu vas voir ; c’est là, montons, non, attends que je souffle.

Elles gravirent péniblement les trois étages,