Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cevait entre le départ d’André et des histoires d’abandon, insérées dans les journaux, c’étaient des thèses soutenues par d’intarissables cancanières, des allusions aux autres ménages de la rue, des médisances effacées et ravivées soudain sur l’un et sur l’autre. La maîtresse de ce gars-là c’est une écuyère, déclara péremptoirement le boulanger qui sut qu’André écrivait, et il citait, à l’appui de son dire, des bavettes nébuleuses, des arguments qui ne prouvaient rien. Où ils étaient tous du même avis, par exemple, c’est quand ils prétendaient qu’André avait bien la figure de ce qu’il était. Le malheureux se serait sauvé pour ne pas payer ses dettes, qu’il n’aurait point accumulé sur lui plus de fureurs et plus de haines.

Puis, un beau soir, dans ce concert d’imprécations, la concierge, échauffée par le cassis, donna sa note. Elle révéla des détails inattendus sur la femme d’André ; alors, les langues qui commençaient à s’arrêter, tournèrent de plus belle. Elle avait un amant, ou l’avait entrevu, la nuit, alors qu’André le reconduisait, en l’éclairant. Sans nul doute ils étaient tous de connivence, l’amant était le fils d’un capitaliste, il entretenait le mari et la femme. André était un fainéant et un sagouin, un homme sans profession, un journaliste, un flâneur qui trafiquait des femmes. Alors Berthe eut la réputation d’une dévergondée et d’une hypocrite. Son teint pâle qui fut d’abord celui d’une pauvre femme qui se ronge les sangs parce que son mari la délaisse, devint l’ignoble