Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/216

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de toute nuance, cannelle, orange, poivre et sel, marron, piquées de fleurs en taffetas, d’oiseaux de paradis, d’épis d’argent ou d’or et toutes ces figurines étaient coupées, au bas du buste qui sortait d’une glace comme d’une nappe d’eau, et elles arboraient pour indiquer le prix de leur chevelure, des étiquettes en carton fichées dans la cire du crâne.

Il s’enfuit, honteux. Derrière une vitrine, une demoiselle de magasin le dévisageait avec un sourire et il reprit son va-et-vient, perdant son rôle d’homme, prenant celui d’une fille, battant son quart, observé derrière les marchandises des montres par de jeunes femmes qui se chuchotaient à l’oreille, dans un éclat de rire : encore un poireau ! – Il alla plus loin, jusqu’à un débit d’objets du Japon et il recommença, sur le trottoir, sa mélancolique promenade, débusqué bientôt par une paire d’yeux qui ricanaient derrière des magots et des cabinets de fausse laque. Alors, il retraversa la rue et se planta de nouveau devant le bec de gaz, dressé près de la porte de la bâtisse où travaillait Jeanne.

Huit heures moins le quart tintèrent à une horloge. Bon Dieu, que le temps lui semblait long ! Il regarda, désappointé, en l’air, vit, s’étalant à perte de vue, d’énormes lettres d’or, de cyclopéennes inscriptions trouant la brume : « robes et manteaux » « confections pour dames » ; « jupons et tournures » « dresses et mandes » . Partout, ce n’étaient que des annonces pour vêtements de femmes, cou-