Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

doigts pour les faire craquer, après tout, je me fiche pas mal du concierge !

Cette tardive assurance égaya la petite qui savait depuis longtemps à quoi s’en tenir sur la bravoure d’André.

Ils partirent du restaurant, saluèrent la veuve Laveau, et alors André parla de Mélanie pour la première fois, déclara qu’elle était bébête et toquée, mais qu’elle était très brave femme, appuya sur ce point qu’il ne faudrait pas s’occuper de ses mines bougonnes, si elle en avait, affirma enfin, sans assurance, qu’il était bien convaincu qu’une parfaite entente s’établirait entre les deux femmes.

Jeanne très soucieuse ne souffla plus mot. À son tour, elle fut prise de frayeur devant cette bonne installée dans un logement ; elle redouta des froideurs méprisantes et des avanies.

Quand elle sut que Mélanie était mariée, sa terreur s’accrut.

La situation fausse qu’elle allait avoir dans ce ménage, formé depuis des mois, et fonctionnant sans arrêt, l’épouvanta. Elle comprit qu’elle ne pourrait être qu’une étrangère en visite ; que, dans ce mécanisme de vie intérieure, elle ne serait qu’un inutile rouage ajouté par suite d’un hasard ou d’une fantaisie et qui se briserait sans interrompre en rien la marche régulière de la machine. L’impossibilité de posséder à nouveau et en entier son amant lui apparut ; elle regretta presque la liaison qu’elle voulait renouer.