Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/264

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— Et bien ! celui-là, tu ne le vois plus ?

— Mais si – nous sommes toujours camarades, et, tout en ajoutant : « Nous nous voyons très souvent même » , il réfléchit que le peintre s’était abstenu de visites et de lettres depuis le retour de Jeanne. Il faudra que je passe chez lui, se dit-il.

— Quand tu seras là à bayer aux corneilles, fit la petite, un peu dépitée de voir André voguer dans ses rêves, loin d’elle : qu’est-ce que tu as ? Tu es tout chose, ce soir !

Le fait est que ce soir-là, André remuait un tas de cendres ; il retrouvait des bouts de tisons sommeillant dessous, des souvenirs qui pétillaient de toutes parts, et la tête maintenant appuyée sur l’épaule de Jeanne, pour avoir au moins l’air de s’occuper d’elle, il songeait, les yeux perdus.

— C’est dommage que tu ne sois plus dans les journaux, soupira-t-elle, tu m’aurais eu des billets de théâtre.

Cette phrase le lança sur une nouvelle piste. Ah ! combien de fois Berthe, sa femme, lui avait-elle formulé cette demande ! tout un rappel de tenaces exigences lui arriva ; il embrassa Jeanne, heureux de se presser contre elle. Tout un parallèle s’établissait maintenant, dans son esprit, entre les deux femmes : Berthe plus jolie avec son visage régulier sous ses cheveux châtains, ses yeux noirs profonds, sa surdent amusante dans une bouche bien rose ; Jeanne les traits plus bafouillés, le nez bravache, bougeant et retroussé, les yeux jaseurs, ardents et doux, les cheveux