Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/355

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qu’un un hasard les mettait, dans la rue, en face ; André ne voulait, à aucun prix, retourner chez son camarade, sentant une certaine gêne, une certaine honte à revoir Mélie qui s’était forcément immiscée dans ses affaires, et pour rien au monde Cyprien n’eût mis les pieds chez André, se rappelant le mauvais accueil de Berthe, après son mariage, pensant que, malgré tous les services qu’il avait rendus, il serait de nouveau, en sa qualité de camarade du mari, privé de nourriture à table et poliment jeté dehors, comme jadis, après le repas.

Un ou deux mois s’écoulèrent sans qu’ils se rencontrassent. Un jour pourtant, à une messe d’enterrement, ils s’aperçurent dans l’église, au travers des personnes plantées, comme des piquets, entre deux rangs de chaises, et une fois les compliments de condoléances achevés, ils laissèrent le corbillard s’acheminer, en ballottant, vers le cimetière et ils se promenèrent dans une rue de traverse, s’entretenant d’abord des qualités et des vices du défunt qu’ils avaient autrefois connu, s’apitoyant, ainsi qu’il sied, sur le malheur de ceux qui restent, puis, changeant le cours de la conversation, Cyprien dit à André :

— Eh bien, depuis que je ne t’ai vu, tu dois être établi dans ton nouveau logement ?

— Oui, mes affaires sont presque rangées ; et il ajouta, après une pause, sans enthousiasme : je suis bien.