Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/84

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sur l’argent du ménage pour se payer des bottines plus raffinées et des bas plus chers. Elle s’était même acheté une boite à poudre de riz et, comme son père n’eût pas supporté qu’elle s’enfarinât les joues, elle se nuait le visage de blanc, le soir, devant sa glace, goûtait de la sorte à des coquetteries intimes et défendues, glissait doucement pour en satisfaire de plus coûteuses, à de banales carottes, encouragée par la bonne qui s’adjugeait pour prix de ses complaisances les robes un peu défraîchies de Mademoiselle, la permission d’être libre plus souvent, le droit de pratiquer sans vergogne d’amples maraudes. Quelquefois M. Vigeois hasardait une observation, prétendait que du temps de sa défunte femme, le harnais féminin coûtait moins cher. Berthe répondait tranquillement que le prix de l’existence avait triplé depuis cette époque.

— Tu dépensais moins en nourriture, reprenait-elle, et pourtant notre table n’a pas changé.

Son père en convenait et, quelques jours plus tard, elle l’investissait prudemment, pas à pas, lui persuadait de nouvelles nécessités de toilettes et il finissait par céder, flatté au fond que sa fille fût jolie et vêtue à la dernière mode.

Elle était d’ailleurs comme la plupart des jeunes filles qui ont perdu leur mère de bonne heure, très mal élevée. Elle voyait dans son père un banquier dont la caisse devait fournir à tous ses besoins et à tous ses caprices. Et là, l’éternel féminin se retrouvait ; toute la femme était là, hon-