Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/85

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nête ou non, qui juge naturel de soutirer à l’homme de qui elle dépend, qu’il soit son père ou son entreteneur, autant de monnaie qu’elle en peut prendre. Le combat sans cesse renouvelé entre la volonté bien assise de l’homme et les simagrées têtues de la femme, s’était fatalement engagé ; et, comme de juste, l’homme et le père étaient d’avance vaincus par la femme et par la fille.

L’opulence des brodequins et le gala des robes enhardirent du reste les ambitions de Berthe. Dans le but de pêcher un mari, elle décida son père à la confier à des parents qui la menèrent dans le monde.

Elle y obtint des succès. Des partis avantageux, presque inespérés se présentèrent. – Aucun ne la contenta. Celui-ci avait l’air d’un garçon tapissier, les cheveux comme des baguettes de tambour, celui-là avait le tour des yeux à vif, l’allure empruntée et gauche. Elle voulait un homme qui payât de mine, lui procurât des plaisirs, lui garantît une vie luxueuse et douce. Pendant deux années, elle repoussa tous ces prétendants qu’elle jugeait sur la forme de leur nez et sur la coupe de leur habit. Si pratique qu’elle fût, la légèreté de sa cervelle de femme lui faisait commettre toutes ces bévues.

Son idéal avait attrapé déjà bien des renfoncements et bien des accrocs, lorsque son père s’affaissa, frappé d’un coup de sang, sur le tapis ; son existence changeait du jour au lendemain. Elle s’ennuya mortellement chez les Désableau. La liberté dont elle jouissait avec sa bonne cessait ; sa tante l’accompagnait où