Page:Huysmans - En rade.djvu/117

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les aimait davantage et cette recrudescence d’amitié pour certains volumes, pour certains meubles lui faisait presque désirer, à ce moment, de se débarrasser sans tarder des autres auxquels il ne tenait tout à coup plus.

Ce serait charmant, pensait-il, de meubler, avec le dessus du panier de mes bibelots, une petite cuisine et deux petites pièces, et il se les figura plus larges que longues, gaiement éclairées sur un fond de jardin, à l’abri de la trépidation des rues. Il accepterait la dépense d’un papier de tenture, sans ramages et sans fleurs, mat et foncé. Ici, son lit qu’il gardait et sa table de nuit en bois de violette et d’anis ; là, sa table de travail, deux fauteuils, trois chaises, une carpette et un devant de feu ; puis dans l’âtre, ses chenets en fer forgé, aux pieds en paraphes et aux têtes allongées en poires ; sur la cheminée enfin, le buste en bois peint et sculpté d’un pauvre homme de la fin du moyen âge, priant, les mains croisées sur un livre, levant vers le ciel des yeux suppliants et navrés ; de chaque côté de ce buste, ses deux flambeaux de cuivre rouge, à plates-formes, et ses deux pots de pharmacie, blasonnés aux armes d’un monastère, deux pots qui avaient sans doute contenu les électuaires, le diascordium et la thériaque d’un vieux couvent.