Page:Huysmans - En rade.djvu/141

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Il n’y en avait aucune parmi celles qu’il atteignait qu’un horticulteur eût tolérée dans un jardin, car c’était une séquelle de ces plantes qui poussent sur les routes, une flore égrotante, une gueuserie de fleurs dont quelques-unes, telles que la chicorée sauvage, étaient pourtant charmantes avec leurs étoiles d’un azur de bleuet pâle.

D’aucunes avaient percé la croûte des mousses et vivaient seules ; d’autres s’étaient réunies en de petits groupes et occupaient de minuscules districts dans lesquels leur tribu campait à l’aise.

Au nombre de celles-là, Jacques reconnut des familles d’œillettes qui balançaient leurs têtes surmontées, comme celles des pavots, d’une couronne comtale aplatie, d’un gris verdoyant d’eau taché de rose ; puis, séparés par des landes à fourmis, des pieds de baume dont il s’amusait à pétrir les feuilles entre ses doigts qu’il sentait, savourant les variations de l’odeur qui s’évapore d’abord avec son parfum initial, puis avec un relent accusé de pétrole et, en fin de compte, alors que l’essence s’éloigne, avec un léger fumet d’aisselle douce.

Il se retourna, ne pouvant décidément tenir en place. Il se leva, fuma une cigarette, par les allées. Au milieu de ce fouillis de verdures, il découvrait chaque jour de nouveaux arbrisseaux et de nouvelles plantes. Cette fois, contre les anciens fossés,