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Page:Huysmans - En rade.djvu/168

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et elle pencha la tête, écarta deux bourrelets fermés de son cou, entre lesquels Jacques aperçut, enfoncé sous la peau, un grain de millet rouge.

— Mais c’est rien, c’est comme qui dirait de la puce ! reprit l’oncle ; il y en aura prochainement jusqu’à la pluie.

Jacques envia le cuir grenu de ces gens qui ne souffraient guère, alors que lui commençait à grincer des dents, en se labourant les chairs.

Que le diable emporte la campagne ! se dit-il ; il quitta les moissonneurs. Il fallait qu’il se déshabillât, qu’il pût se lacérer à l’aise. Il se dirigea vers le château, mais il n’eut pas la force d’attendre, d’aller plus loin ; derrière un bouquet d’arbres, il se dévêtit, pleurant presque, tant il se faisait mal ; il s’arrachait des copeaux d’épiderme et ne pouvait se rassasier du douloureux plaisir de se pincer, de se racler, de se tenailler, de se raboter le corps et, à mesure qu’il se ravinait une place, d’intolérables cuissons renaissaient à une autre, flambant partout à la fois, l’interrompant, le forçant à se griffer de tous les côtés, avec ses deux mains, les ramenant aux cloques déjà mûres dont le sang partait.

Il se rajusta, tant bien que mal, monta, ainsi qu’un homme pris de démence, dans sa chambre, trouva Louise, presque nue, en larmes ; et chez elle, l’énervement s’était si rapidement accru que