Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/210

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défiler les armées du ciel et démontre le sens des attributs angéliques et des symboles, il ait déjà dépassé la frontière où s’arrête l’homme et pourtant, dans son opuscule des « Noms Divins », il hasarde un pas de plus en avant et alors il s’élève dans la superessence d’une métaphysique tout à la fois calme et hagarde !

Il surchauffe le verbe humain à le faire éclater, mais lorsque à bout d’efforts il veut définir l’infigurable, préciser les immiscibles personnes de la Trinité qui se pluralise et ne sort point de son unité, les mots défaillent sur ses lèvres et la langue se paralyse sous sa plume ; alors, tranquillement, sans s’étonner, il se refait enfant, redescend de ses sommets parmi nous et, pour tâcher de nous élucider ce qu’il comprit, il recourt aux comparaisons de la vie intime ; il en vient, afin d’expliquer cette Triade unique, à citer plusieurs flambeaux allumés dans une même salle et dont les lueurs, bien que distinctes, se fondent en une seule, ne sont plus qu’une.

Saint Denys, rêvassait Durtal, il est un des plus hardis explorateurs de ces régions éternelles… oui, mais quelle lecture aride il me fournirait à la Trappe !

Ruysbroeck ? reprit-il, peut-être et encore cela dépend ; je puis serrer dans ma trousse, ainsi qu’un cordial, le petit recueil qu’à distillé Hello ; quant aux « Noces Spirituelles », si bien traduites par Maeterlinck, elles sont décousues et sans clarté ; l’on y étouffe ; ce Ruysbroeck-là m’emballe moins. Il est curieux tout de même, cet ermite, car il ne s’enferme pas au-dedans de nous, mais il parcourt plutôt les dehors ; il s’efforce, comme saint Denys, d’atteindre Dieu, plus dans