Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/114

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fresque du quinzième siècle avait été découverte, sous un tableau qui la cachait, en 1854. Elle représentait un Calvaire, mais le jeu des personnages, inattendu en un tel sujet, la rendait énigmatique et vraiment étrange.

La scène se dispose, en effet, suivant le mode du temps, mais entre les deux larrons branchés sur des gibets en T, il n’y a ni Christ, ni croix  ; la Mère, une Madone de l’école de Roger Van der Weyden, déjà âgée et drapée dans une robe bleue, s’affaisse, soutenue par saint Jean, accoutré d’une robe lie de vin et d’un manteau bleuâtre. Il la soutient mais machinalement, en regardant, très affairé, en l’air ; derrière lui, deux femmes, l’une, coiffée d’un turban vermillon à fond blanc, affublée de jaune et ceinturée de noir, lève les yeux au ciel ; l’autre, costumée d’un voile blanc et d’une jupe rouge, ferme ses paupières, abîmée dans sa douleur, comme la Vierge  ; plus loin, trois squelettes en linceul examinent le firmament et prient.

Enfin, tout au premier plan, un être bizarre, à genoux, une femme à face populacière, osseuse, de garçon de barrière, le col entouré d’un foulard, tend de profil ses bras et, elle aussi, scrute les nuées.

Et pendant ce temps, les deux larrons sur leurs instruments de supplice, agonisent. Le bon, résigné, n’en pouvant plus, se meurt  ; le mauvais, un hercule barbu, aux chairs couleur de brique, se tord, une jambe repliée derrière la croix  ; il est lourd, tassé, fourbu et un petit diable noir et cornu, la queue en trompette, fond sur lui, les griffes tendues pour saisir l’âme à la sortie de la bouche et l’emporter.

Si l’on ajoute à cette description succincte, une ville