Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/95

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les avoir baignées d’un généreux cognac que vous allumez ; vos tartines flambent, telles qu’un pouding ou qu’une omelette soufflée, et c’est divin, conclut Mlle de Garambois, qui se renversa dans le fauteuil, les yeux au ciel.

— Est-ce dieu possible ! soupira Mme Bavoil, en joignant les mains.

— Qu’est-ce qui est possible ? demanda, en riant, Mlle de Garambois.

— Qu’une personne pieuse soit ainsi tentée par le démon de la gourmandise, et puisse inventer des choses pareilles !

— Mais je n’invente rien ; je me borne à propager, Madame Bavoil.

Durtal examinait, en souriant, sa sœur l’oblate. Sa physionomie était toujours pour lui un sujet de surprise, car il ne parvenait pas à s’expliquer l’incomparable grâce et l’extrême jeunesse, à certaines minutes, de ce visage de femme de cinquante ans qui paraissait son âge, à d’autres instants.

Mlle de Garambois était fort grosse et marchait un peu « banban » comme on dit dans le peuple. Vêtue par d’excellentes couturières de Paris, elle était fort élégante et portait des costumes de jeune femme et ce n’était pas chez elle trop ridicule, car elle avait dix-sept ans lorsqu’elle souriait. Elle avait été très jolie et il lui était resté un teint soyeux, magnifique, des yeux d’enfant clairs et surtout une bouche et un menton, d’un charme mutin, vraiment exquis.

Il suffisait qu’elle fût joyeuse pour que les pattes d’oie et les rides disparussent. De merveilleuses dents éclairaient