Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/182

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un Cardinal qui abandonne la pourpre pour aller vivre dans une hutte. — Attendez donc, — Saint Pierre Damien s’est trouvé dans ce cas-là, je crois ; mais je n’en suis pas très sûre. — J’ai une si pauvre mémoire, voyons, aidez-moi un peu.

— Mais je ne sais pas !

Elle se rapprocha et lui mit la main sur l’épaule :

— Vous êtes fâché, vous m’en voulez, dites ?

— Dame ! alors que je vous désire frénétiquement, que je rêve depuis huit jours à cette rencontre, vous venez ici pour m’apprendre que tout est fini entre nous, que vous ne m’aimez pas…

Elle se fit câline. — Mais si je ne vous aimais pas, serais-je venue ! comprenez donc que la réalité tuera le rêve ; comprenez donc qu’il vaut mieux ne pas nous exposer à d’affreux regrets ! nous ne sommes plus des enfants, voyons. — Non, laissez-moi, ne me serrez pas ainsi. — Elle se débattait, très pâle, entre ses bras. — Je vous jure que je pars et que vous ne me reverrez jamais, si vous ne me laissez. — Sa voix devint sifflante et sèche. Il la lâcha.

— Asseyez-vous là, derrière la table ; faites cela pour moi. — Et frappant du talon, le parquet, elle dit d’un ton mélancolique : il ne sera donc pas possible d’être l’amie, rien que l’amie d’un homme ! — Ce serait pourtant bon de venir, sans craindre de mauvaises pensées, vous voir ? Elle se