Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/219

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Il finit par échouer, après une interminable promenade au ras des quais, dans une brasserie. Il tomba sur une banquette et ouvrit un journal.

Il pensait à quoi, maintenant que, sans les lire, il regardait la série des faits divers ? à rien, pas même à elle. À force d’avoir tourné dans tous les sens, toujours sur la même piste, son esprit était arrivé au point mort et restait inerte. Durtal se trouvait seulement très fatigué, engourdi, comme après une nuit de voyage, dans un bain tiède.

Il faut que je rentre chez moi de bonne heure, se dit-il, lorsqu’il parvint à se reprendre, — car le père Rateau n’aura certainement pas fait, ainsi que je l’en ai prié, mon ménage à fond, — et je ne veux pourtant pas qu’aujourd’hui la poussière traîne sur tous les meubles.

Il est six heures ; si je dînais vaguement dans un lieu à peu près sûr. Il se rappela un restaurant voisin où il avait autrefois mangé sans trop de craintes. Il y chipota un poisson de la dernière heure, une viande molle et froide, pêcha dans leur sauce des lentilles mortes, sans doute tuées par de l’insecticide ; il savoura enfin d’anciens pruneaux dont le jus sentait le moisi, était tout à la fois aquatique et tombal.

De retour chez lui, il alluma d’abord le feu dans sa chambre à coucher et dans son cabinet ; puis il inspecta les pièces.