Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/336

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Durtal l’examina. Une incompressible gaieté fendait cette face sanguine, aux joues peintes avec un rasoir, en bleu. Carhaix les présenta, l’un à l’autre ; ils échangèrent, le prêtre, un salut défiant et Durtal un salut froid.

Celui-ci se sentait gêné, de trop, dans les effusions de l’accordant et de sa femme qui remerciaient à mains jointes cet abbé d’être monté. Il était évident que pour ce ménage, qui n’ignorait point cependant les passions sacrilèges ou médiocres du clergé, l’ecclésiastique était l’homme d’élection, un homme tellement supérieur que, dès qu’il était là, les autres ne comptaient plus.

Il prit congé ; et, en descendant, il se disait : ce prêtre jubilant me fait horreur. Au reste, un prêtre, un médecin, un homme de lettres gais sont, à n’en pas douter, d’ignobles âmes, car enfin, ce sont eux qui voient de près les misères humaines, qui les consolent, les soignent, ou les décrivent. Si après cela, ils se désopilent et pouffent, c’est un comble ! Ce qui n’empêche, du reste, que quelques inconscients déplorent que le roman observé, vécu, vrai, soit triste, comme la vie qu’il représente. Ils le voudraient et jovial et gaulois et fardé, les aidant, dans leur bas égoïsme, à leur faire oublier les désastreuses existences qui les frôlent !

C’est égal, Carhaix et sa femme sont tout de même de singulières gens ! Ils ploient sous le des-